Il faut bien reconnaitre que les biens culturels sont des choses d'une nature juridique particulière.

Nous le savons déjà, le propriétaire d'une oeuvre d'art n'a pas le pouvoir de porter atteinte à celle-ci car aux termes de l’article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle, « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur ».

La mairie d'Hayange qui avait repeint en bleu l'œuf de pierre polie de la fontaine "Source de vie" (https://www.republicain-lorrain.fr/edition-thionville-hayange/2020/01/19/sculpture-repeinte-en-bleue-la-commune-condamnee) en a fait les frais puisqu'elle a été condamnée par le Tribunal de grande instance de Nancy à remettre l'œuf dans son état initial et à payer 400 euros de dommages à l'artiste par mois d'exposition de son oeuvre ainsi dénaturée.

Le choix de repeindre cette partie de l’œuvre constituait une "atteinte au droit dû à l’intégrité matérielle de l’œuvre" et peut être à son intégrité morale de son auteur peu désireux d'être associé à la couleur politique de la mairie. La décision rappelle que « la mise en peinture du socle et de l’œuf dans une couleur emblématique de l’orientation politique de la commune, à laquelle l’auteur n’entendait pas être associé, a été de nature à porter atteinte à la réputation de celui-ci ».

La notion de bien culturel est néanmoins plus large que celle d'œuvre d'art (sur le rapprochement entre produit et bien culturel, voir un article intéressant de Jean Michel Bruguière (https://www.cairn.info/revue-legicom-2006-2-page-9.htm). L’article 2 de la convention Unidroit de 1995 énonce que « Par biens culturels,(…) on entend les biens qui, à titre religieux ou profane, revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science et qui appartiennent à l’une des catégories énumérées dans l’annexe à la présente Convention ».

Nombre de ces « petits morceaux » de culture ont été introduits dans les pays européens au cours des siècles soit par acquisition, soit par pillage au cours de conquêtes coloniales qui se voulaient parfois civilisatrices. Nos grands musées européens sont donc les témoins actuels, en même temps que les vitrines de cet état de fait.

Les nations décolonisées, parfois depuis plus de 70 ans, font régulièrement de nombreuses revendications pour le retour au pays de ces biens culturels. Leur droit légitime se heurte aux droits nationaux des "propriétaires" dont les législations, comme c'est le cas pour la France, empêchent tout dessaisissement.

Cette question, qui constitue une thématique intéressante pour l'enseignement de DGEMC, fait l'objet d'un article très intéressant (https://www.erudit.org/fr/revues/ethno/2017-v39-n1-ethno03943/1051053ar/).

En voici le résumé : « La question de la restitution des biens culturels occupe souvent une place de choix dans l’actualité. Le sujet passionne par la multitude des problématiques qu’il prend en compte. L’internationalisation des relations, la complexification des situations, la diversité des enjeux historiques, politiques, diplomatiques, économiques ou spirituels sont autant de variables à analyser pour comprendre le phénomène de la restitution d’un bien culturel. Si les instruments juridiques internationaux, européens et nationaux sont nombreux, le droit se révèle aujourd’hui impuissant pour faire face aux revendications. C’est au travers d’une analyse historique, juridique et politique du droit des restitutions de biens culturels, basée sur quelques cas emblématiques, que cet article propose un état des lieux de la question. »